Description de l'episode
Au cœur de la grande forêt blanche, l'hiver avait recouvert le monde d'un silence.
De coton, les arbres pliaient sous le poids de la neige,
et le vent, en soufflant, faisait chanter les branches gelées.
Dans ce décor d'argent et de givre, un petit renard avançait, le ventre vide.
Sa fourrure, autrefois flamboyante, était ternie par le froid.
Il marchait depuis des jours, cherchant de quoi survivre,
une trace, une odeur, une chance.
Mais la forêt semblait figée, pas un oiseau, pas un lapin,
rien sinon la faim qui lui brûlait le ventre.
Alors qu'il approchait du village, le renard aperçut une lumière chaude à travers les arbres,
une petite maison fumante, paisible.
Et sur le rebord d'une fenêtre posée à refroidir sous la lune, un festin,
une dinde dorée, fumante, brillante, entourée d'herbes et de fruits secs.
Le renard s'approcha à pas de velours, son cœur battait vite.
Partagé entre la peur et la faim, personne ne semblait là.
Le vent portait juste une odeur irrésistible, alors d'un bond.
Il attrapa la dinde et fila dans la neige.
Il courut, courut jusqu'à l'orée de la forêt, puis s'arrêta à l'étang
et déposa sa prise entre ses pattes.
Enfin, il allait pouvoir manger.
Mais au moment d'y goûter, une petite voix perça le silence.
« Maman, la dinde, elle est partie. »
Le renard se figea, la voix venait de la maison.
Il tendit l'oreille.
« Oui, mon ange », répondit une femme d'une voix triste.
Le vent l'a sans doute fait tomber, ou un animal l'a prise.
C'était pour le repas de Noël, demanda l'enfant.
« Oui, mon cœur, mais ne t'inquiète pas, on fera quand même la fête. »
Le renard sentit quelque chose se serrer en lui.
Cette petite voix tremblante, c'était celle d'un enfant malade,
alité, dont la fenêtre donnait sur la neige.
Il baissa les yeux vers la dinde, et soudain, elle ne lui parut plus si appétissante.
Il regarda autour de lui la forêt immense, glacée,
et au loin cette maison où quelqu'un allait passer Noël sans repas.
Alors, lentement, le renard reprit la dinde dans sa gueule,
et fit demi-tour.
La lune éclairait son chemin, et le vent semblait plus doux.
Arrivé près de la maison, il déposa la dinde aux pieds de la porte,
puis recula discrètement.
Il entendit la porte s'ouvrir, un cri de surprise,
puis des rires, des larmes de joie.
« Regarde, maman, la dinde est revenue.
Oh, mon Dieu, quelqu'un l'a retrouvée. »
Le renard observa la scène depuis la haie, le museau posé sur la neige.
Il vit la lumière revenir dans la maison, et entendit des chants, des rires,
et un violon qui jouait doucement près du feu.
Il ferma les yeux, le froid piquait ses pattes,
mais son cœur, lui, était chaud.
Cette nuit-là, il ne mangea pas,
mais il se sentit plus riche que jamais.
Le lendemain matin, quand la mère et l'enfant ouvrirent leur volet,
ils découvrirent devant la porte un petit tas de plumes rousseformant un cercle,
comme un remerciement silencieux.
Et là, sur le seuil, ils laissèrent chaque hiver une assiette remplie
au cas où le renard reviendrait.
Mais il ne revient jamais.
Peut-être qu'il s'était endormi pour de bon,
ou peut-être qu'il était devenu une étoile,
celle qui brille un peu plus fort au-dessus de la forêt blanche.
Le vrai cadeau, c'est de donner quand on n'a presque rien.
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