Contes modernes - Radio Solidarité - Le banc des invisibles - Hébergez gratuitement votre podcast sur Vodio.fr

Contes modernes - Radio Solidarité

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Société et culture (généralité)
6min (8 Mo) - 22 novembre 2025 Code copié Lien copié

Description de l'episode

Il est là, immobile, depuis si longtemps que même les pigeons le connaîtent à cœur.
Un vieux banc vert, rangé par la rouille et les saisons.
On le croit banal, mais il a tout vu.
Et surtout, tout entendu.
Chaque matin, les premiers rayons du soleil glissent sur son dos de bois fondu.
Chaque soir, la nuit vient lui chuchoter les confidences des passants.
C'est un banc comme un autre, sauf qu'il écoute.
Un jour d'hiver, il y a longtemps, il a accueilli un homme que plus personne ne regardait.
Un sac plastique pour oreiller, un vieux manteau pour couverture.
Il s'appelait Michel, mais plus personne ne l'appelait par son prénom.
Il parlait peu, sauf au banc.
Il lui disait « Toi au moins, tu ne juges pas ».
Le banc, lui, ne répondait pas, mais il grinçait parfois, comme pour dire qu'il comprenait.
Michel venait chaque jour, jusqu'à ce qu'un matin, il ne vienne plus.
Le banc a senti le vide ce jour-là, un vide plus froid que la neige.
Quelques années plus tard, une jeune fille s'est assise au même endroit, elle pleurait en silence.
Ses écouteurs crachaient une chanson triste que le banc a absorbée comme un écho du passé.
Elle a sorti un carnet et a écrit dessus.
« Je n'en peux plus de ce monde où il faut toujours sourire ».
Le banc aurait voulu la prendre dans ses bras.
Il aurait voulu lui dire que les larmes, parfois, sont le seul vrai langage.
Mais il n'a pu qu'être là.
Et parfois, être là, c'est déjà beaucoup.
Un autre jour, c'est un vieux monsieur qui s'est installé, avec un pain et des miettes pour les oiseaux.
Il s'y flottait doucement chaque midi, toujours le même air.
Un air que Michel aimait bien, autrefois.
Le banc a reconnu la mélodie.
Il s'est dit que la vie, malgré tout, faisait parfois de beaux retours.
Les saisons ont passé encore et encore.
Les feuilles mortes sont devenues tapis d'or.
Les amours se sont déclarés, puis envolés.
Des mains ont gravé des cœurs, des insultes, des initiales.
Des enfants y ont sauté.
Des ados s'y sont embrassés.
Des poètes y ont rêvé.
Le banc a tout pris, tout gardé.
Les rires, les secrets, les colères.
Il est devenu un livre de vie, sans pages, sans mots, mais plein d'histoires.
Un soir de grand vent, un homme s'est approché.
Il n'était ni jeune, ni vieux, juste fatigué.
Il s'est assis lentement à soupirer, puis à murmurer.
J'ai tout perdu, même le courage de recommencer.
Le banc a senti le poids de son désespoir.
Et sous la pluie, il s'est mis à grincer doucement comme un souffle de compassion.
L'homme a levé la tête surpris, puis a souri.
Un petit sourire timide, mais réel.
C'est ce soir-là qu'il a décidé de retourner au centre d'accueil.
Juste à deux rues de là.
Le banc a su qu'il avait servi à quelque chose.
Les années ont passé encore.
Un matin, la mairie a voulu le remplacer par un banc neuf, plus moderne.
Mais les gens du quartier ont protesté.
« Pas de touche à notre banc », ont-ils dit.
« Il fait partie de nous ».
Alors on l'a laissé.
Un peu bancal, un peu fatigué, mais toujours debout.
Et chaque soir, sous la lumière jaune du lampadaire, il attend les histoires.
Certains disent qu'il parle, qu'on peut l'entendre chuchoter
si on s'assoit, sans téléphone, sans musique, sans bruit.
Qu'il murmure des mots d'encouragement ou des souvenirs d'autre vie.
Moi, je l'ai entendu une fois.
Il m'a dit « Tu sais, les gens parlent.
Il m'a dit « Tu sais, les gens passent, les douleurs aussi.
Mais ce qui reste, ce sont les traces de chaleur qu'ils laissent derrière eux.
Et depuis ce jour, chaque fois que je passe devant lui, je le salue.
Parce que je sais qu'il garde encore, dans ses lattes usées,
le souffle de ceux que le monde oublie.
»
Personne n'est invisible.
Il suffit parfois d'un regard ou d'un vieux banc
pour redonner une existence.

Annexes

Contes modernes - Radio Solidarité

Ici, pas de baguette magique. Pas de château. Pas de prince. Juste des voix. Celles qu’on n’entend jamais. Celles des précaires, des invisibles, des enfants oubliés, des anciens qu’on évite, des jeunes qu’on juge, des gens qu’on croise sans les voir. Chaque conte est une fable sociale. Écrite avec rage, tendresse, humour ou gravité par Laurent Frémal et Lue par Luc Bolssens

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